Je voulais initialement vous parler de coopération. Non pas celle que nous tentons chaque jour de mettre en œuvre dans nos quotidiens professionnels, militants, personnels aussi. Ni celle que nous tentons d’apprendre à nos enfants dans une école aux abois. Je voudrais parler de celle qui réunit les États entre eux. Mais est-elle très différente après tout ? Coopérer prend du temps mais c’est ce qui nous rend plus efficaces, entre associations c’est ce qui nous permet d’être davantage entendues. Coopérer implique de faire des compromis pour mieux avancer vers un but commun. C’est ce qui nous permet de sortir de l’impuissance pour reprendre du pouvoir, un pouvoir collectif. C’est le seul moyen de sauvegarder les communs. Pourquoi cet intérêt bien compris est-il si aisément balayé, regardé de haut, méprisé ?
Coopérer. C’est l’un des axes majeurs d’une politique étrangère ecoféministe.
J’en parlai dans une note publiée en septembre par la Fondation de l’écologie politique. J’y tentais une analyse critique des expériences de politique étrangère féministe. Si vous avez lu mon essai Le Féminisme pour sauver la planète en 2021, vous vous rappellerez peut-être que j’avais esquissé ces pistes dans le dernier chapitre. Ici elles sont davantage développées, pour lancer le débat. J’y montre notamment que les expériences de politique étrangère féministe en Allemagne, en France ou encore en Canada souffrent d’une lacune importante : celle de l’incohérence entre les politiques. Il est impossible de faire cohabiter au sein du même gouvernement une politique étrangère féministe et une politique économique néolibérale ou encore de s’abstenir de voter pour une résolution de l’ONU appelant à un cessez-le-feu à Gaza.
Le féminisme est fréquemment instrumentalisé à des fins politiques, il en est de même en matière de politique étrangère féministe quand les violences sexuelles par un camp sont brandies pour justifier les ripostes guerrières de l’autre camp. Les violences de genre sont presque un synonyme du mot guerre, c’est pourquoi le féminisme est pacifiste. N’importe quel gouvernement se targuant d’avoir une politique étrangère féministe devrait appeler à un cessez-le-feu permanent à Gaza et chercher par tous moyens la justice et la paix.
Maintenant, il faut le dire aussi, se questionner sur la politique étrangère en temps de conflit, c’est toujours le faire trop tard. La paix ne peut se construire que par un travail patient et sincère. Il faut chercher la paix si on veut qu’elle arrive, et pour cela, ne pas fermer les yeux devant l’apartheid, la colonisation ou le génocide. Ne pas fermer les yeux non plus sur la « question palestinienne », comme tant d’entre nous ont fait depuis des années sous prétexte que les réponses ne sont pas simples.
La politique étrangère écoféministe – comme le pacifisme – c’est pour beaucoup un doux rêve, une aspiration mais certainement pas un truc de gens qui ont les pieds sur terre. C’est bien triste car être pacifiste et être écoféministe, c’est le seul réalisme qui tienne.

