Bangladesh. Au pays des femmes leaders

Trois femmes célèbres

Aujourd’hui j’ai fait la connaissance de trois femmes célèbres et de vingt femmes anonymes.

Les deux premières sont célèbres car grâce à elles le Bangladesh est au 10ème rang mondial pour la parité en politique du classement annuel du Forum Economique mondial. Ces dernières semaines, ce sont aussi elles qui sont au centre de l’attention du pays entier, bloqué par des grèves générales et des altercations violentes ayant fait plus de 70 morts. Il s’agit de la première ministre Sheikh Hasina et de la cheffe de l’opposition Khaleda Zia. Ces deux femmes se sont partagé le pouvoir par vagues, en se le prenant à l’autre puis inversement depuis plus de 30 ans. L’une est fille et l’autre veuve d’anciens présidents de la République.

La troisième, c’est cette femme bengalie qui, il y a un siècle, décrivait dans la nouvelle Sultana’s dream l’utopie d’un monde débarrassé de la domination masculine. Il s’agit de Rokeya Sakawhat Hussain, la première de toutes les femmes célèbres du Bangladesh, elle qui, avant toutes les autres, était surnommée nari netree, femme leader. Depuis 1994, son rôle majeur dans l’histoire du Bangladesh est célébré par une journée nationale, le Rokeya Day, chaque 9 décembre. L’histoire récente du pays est ponctuée de nari netree, écrivaines, juristes, activistes et féministes, parmi lesquelles figurent Sultana Kamal, Sufia Kamal, mais aussi Nayla Kabeer ou encore Taslima Nasreen.

Et vingt femmes anonymes

Aujourd’hui j’ai aussi fait la connaissance de vingt femmes anonymes, travailleuses domestiques vivant à Sutrapur, un quartier du vieux Dhaka. Leur quotidien est une série de rémunérations à la tâche, de 200 Taka (2,25€) pour laver le sol à 500 Taka (5,64€) pour faire la lessive ou la cuisine, sans compter les multiples activités d’appoint telles que la fabrique de bâtons d’encens ou la couture. A la fin du mois, avec 2000 Taka en poche (22,54€), elles constituent la masse anonyme de ces 31% de la population bangladaise qui vit sous le seuil de pauvreté. Aux confins de l’informalité, ces femmes sont des employées jetables, aux droits non respectés et aux corps malmenés, parfois battues et violées pour avoir mis en mot certaines injustices. Certaines racontent le harcèlement vécu par leur employeur, les violences physiques, parfois sexuelles, mais aussi l’impossibilité de dénoncer.

Il est loin le rêve de Sultana.

« How my friends will be amused and amazed, when I go begum-rokeya-sakhawatback and tell them that in far-off Ladyland, ladies rule over the country and control all social matters, while gentlemen are kept in the murdanas to mind babies, to cook and to do all sorts of domestic work; and that cooking is so easy a thing that it is simply a pleasure to cook! » 

Sultana’s dream, Rokeya Sakawhat Hussain, 1905

 

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